5
 min de lecture

La numérisation et la conservation des documents juridiques

La vie d’une entreprise donne lieu à de nombreux écrits (contrats, déclarations, etc.) dont la nature et l’importance peuvent différer et qui doivent impérativement être conservés pendant un certain temps. Quelles sont les règles encadrant cette conservation ? Pouvez-vous opter pour une numérisation fidèle de l’ensemble de ces documents ? Quels sont les avantages de ce procédé ?

1)    Conserver les documents juridiques de l’entreprise : pourquoi ?

Une obligation… Tout au long de sa vie, une entreprise va être tenue d’enregistrer et de conserver de nombreux documents juridiques relatifs :

-       à sa vie sociale (statuts, documents bancaires, contrats d’achat ou de vente, procès-verbaux d’assemblée générale, etc.) ;

-       à sa comptabilité (factures, documents d’inventaires, livre-journal, grand livre, etc.) ;

-       à ses obligations fiscales (liasses fiscales, déclarations fiscales, etc.) ;

-       à ses obligations sociales (registre du personnel, bulletins de paie, déclarations sociales, document unique d’évaluation des risques professionnels, règlement intérieur, etc.).

…délimitée dans le temps. Les délais de conservation varient selon la nature des documents dont il est question.

Concernant les documents civils et commerciaux. Les documents civils et commerciaux sont ceux qui ont trait à l’activité de la société. Le délai durant lequel ils doivent être conservés est de :

-       5 ans pour les statuts, étant entendu que ce délai commence à courir à compter de la radiation de la société du registre du commerce et des sociétés

-       5 ans pour les contrats et échanges commerciaux ;

-       30 ans pour les contrats d’achat ou de cession de biens immobiliers ou fonciers.

Concernant les documents comptables. L’ensemble des éléments comptables(livres, registres, bons de commandes, factures clients ou fournisseurs, etc.) de l’entreprise doivent être conservés pendant une durée de 10 ans.

Concernant les documents fiscaux. L’entreprise est également tenue de conserver, pendant 6 ans, les livres, registres, documents ou pièces sur lesquels peuvent s'exercer les droits de communication, d'enquête et de contrôle de l'administration fiscale.

En détails. Cette obligation concerne l’ensemble des documents relatifs à l’impôt sur les bénéfices auquel est soumise l’entreprise (impôt sur le revenu ou impôt sur les sociétés), mais aussi les impôts directs locaux, la cotisation foncière des entreprises (CFE), la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), etc.

Concernant les documents relatifs au personnel. Les documents liés à la gestion du personnel de l’entreprise doivent être conservés :

-       5 ans, en ce qui concerne les bulletins de paie, le registre du personnel, etc. ;

-       6 ans pour les déclarations sociales de sécurité sociale.

Attention. Tout manquement à ces diverses obligations de conservation peut donner lieu à de lourdes sanctions. A titre d’exemple, le refus de communiquer à l’administration fiscale les documents et renseignements qu’elle réclame peut donner lieu à l’application d’une amende de 10 000 €.

2)    Conserver les documents juridiques de l’entreprise : comment ?

Conserver ses documents sous forme papier… En général, les documents de l’entreprise sont conservés sur un support papier, ce qui signifie que l’entreprise répertorie et archive par voie papier l’intégralité de ses documents juridiques. Elle peut, dans le cadre de cet archivage, faire appel à un prestataire extérieur.

…ou sous forme numérique ! Rien n’empêche toutefois l’entreprise de numériser l’ensemble des documents qu’elle est tenue de conserver, sous réserve du respect de certaines règles impératives.

Pourquoi ? Numériser les documents de l’entreprise présente un double avantage :

-       tout d’abord, la numérisation constitue un gain de temps considérable pour le personnel en charge de cette tâche administrative ;

-       ensuite, elle permet un gain financier non négligeable, au vu de l’allègement des charges financières liées à la conservation et l’archivage des documents.

Attention à numériser des « copies fiables ». La numérisation des documents juridiques n’est valable qu’à la condition de donner lieu à l’émission de copies considérées comme « fiables ». Une copie est présumée fiable dès lors qu’elle remplit les 2 conditions suivantes :

-       elle résulte d'une reproduction à l'identique de la forme et du contenu de l'acte ;

-       son intégrité est garantie dans le temps par un procédé conforme aux règles applicables.

D’abord, le processus de reproduction… Pour être fiable, une copie doit obligatoirement résulter :

-       soit d'un procédé de reproduction qui empêche toute modification ultérieure du support de la copie ;

-       soit, en cas de reproduction par voie électronique, d'un procédé qui répond aux règles établies en la matière.

Focus sur la reproduction électronique. Le procédé de reproduction par voie électronique doit impérativement produire l’intégralité des informations liées à la copie et qui servent à son identification. Ces informations doivent permettre de préciser le contexte de la numérisation, et en particulier la date de création de la copie.

Attention ! La qualité du procédé utilisé doit être vérifiée : elle doit être établie par des tests sur des documents similaires à ceux reproduits, et donner lieu à des contrôles.

Ensuite, l’intégrité de la copie… Il est nécessaire que l’intégrité de la copie réalisée soit garantie : à cette fin, il est prévu qu’elle soit attestée par une empreinte électronique qui permet de détecter toute modification ultérieure de la copie.

Exemples. L’intégrité d’une copie est présumée garantie si elle fait l’objet, au sens du règlement européen applicable (nommé« eIDAS »), de l’un des dispositifs suivants :

-       un horodatage électronique « qualifié » qui satisfait aux conditions suivantes :

o  il lie la date et l’heure aux données de manière à raisonnablement exclure la possibilité de modification indétectable des données ;

o  il est fondé sur une horloge exacte liée au temps universel coordonné ;

o  il est signé au moyen d’une signature électronique avancée, ou cacheté au moyen d’un cachet électronique avancé du prestataire de services de confiance qualifié, ou par une méthode équivalente ;

-       un cachet électronique qualifié qui satisfait aux conditions suivantes :

o  il est lié à son créateur de manière univoque ;

o  il permet d’identifier son créateur ;

o  il a été créé à l’aide de données de création de cachet électronique que le créateur du cachet peut, avec un niveau de confiance élevé, utiliser sous son contrôle pour créer un cachet électronique ;

o  il est lié aux données auxquelles il est associé de telle sorte que toute modification ultérieure des données soit détectable ;

-       une signature électronique qualifiée qui est une signature créée à l’aide d’un dispositif de création spécifique, et qui repose sur un certificat qualifié de signature électronique.

Conservation de la copie. La copie électronique doit obligatoirement être conservée dans des conditions propres à éviter toute altération de sa forme ou de son contenu.

Concrètement. On considère qu’il n’y a pas d’altération du contenu ou de la forme de la copie dès lors que l’opération requise pour assurer sa lisibilité dans le temps est tracée et donne lieu à une nouvelle empreinte électronique.

Attention. Les empreintes et les traces ainsi générées doivent être conservées aussi longtemps que la copie électronique produite, dans des conditions qui ne permettent pas leur modification.

Mesures de sécurité. L'accès aux dispositifs de reproduction et de conservation des copies doit impérativement faire l’objet de mesures de sécurité appropriées.

En conclusion

Numériser les documents juridiques de votre entreprise peut vous permettre de gagner en compétitivité. Attention toutefois à ce que cette numérisation soit réalisée dans les règles de l’art : avant de vous lancer, n’hésitez pas à prendre conseil !

Sources:

- Article 1379 du Code civil (copie fiable)

- Article 2224 du Code civil (délai de prescription applicable aux actions personnelles ou mobilières)

- Article 2227 du Code civil (délai de prescription applicable aux actions réelles immobilières)

- Article L 110-4 du Code du commerce (délai de conservation des documents sociaux)

- Article 1734 du Code général des impôts

- Article L 123-22 du Code de commerce (délai de conservation des documents comptables)

- Articles L102 B et suivants du Livre des procédures fiscales (délai de conservation des documents fiscaux)

- Article L 3243-4 et R 1221-26 du Code du travail (délai de conservation des documents relatifs à la gestion du personnel)

- Article L 243-16 du Code de la sécurité sociale (délai de conservation des déclarations sociales)

- Règlement (UE) n° 910/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 sur l’identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur et abrogeant la directive 1999/93/CE

- Décret n° 2016-1673 du 5 décembre 2016 relatif à la fiabilité des copies et pris pour l'application de l'article 1379 du code civil

Newsletter

Envie de suivre l'ensemble de nos activités ?
Inscrivez-vous à notre newsletter pour ne rien rater !

Thanks for joining our newsletter.
Oops! Something went wrong.